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  • ►Zoé Cottin

EDITO - Climat : une accélération du réchauffement pour un refroidissement des politiques?


 

Tandis que l’État est condamné pour “carences fautives” dans “l’Affaire du siècle”, les sommets sur le climat menés par des chefs d’États se multiplient. Leur efficacité est toutefois contestée, un fossé demeure entre prise de conscience et mesures à la hauteur. La pléiade de récents chiffres converge vers le même constat : l’accélération du réchauffement climatique est nette. Face à la multiplication de phénomènes extrêmes, on ne peut nier le peu d’efficacité de la lutte contre le réchauffement climatique. Aux politiques de mettre rapidement en œuvre une économie moins carbonée.




Une évolution du climat qui suit les pires scénarios


Avec le confinement, les émissions de CO2 ont chuté de 4 à 7 % en 2020 selon le Global Carbon project. Mais, chute des émissions ne signifie pour autant pas réduction du taux de concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. La concentration du gaz à effet de serre qui renvoie les rayonnements infrarouges vers la Terre a désormais franchi la barre des 400 parties par million (ppm). Soit une concentration jusqu’à presque deux fois plus importante qu’au XVIIè siècle. Déforestation, combustion d’énergies fossiles... autant d’activités humaines émettrices de CO2 qui attestent d'une économie trop carbonée.

Cette responsabilité humaine est attestée par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son cinquième rapport, daté de 2014. Il l’estime “extrêmement probable”. Il expose également quatre profils d’évolution des concentrations atmosphériques de CO2, dits RCP, exprimés en forçage radiatif. Soit la différence entre rayonnement solaire reçu et rayonnement infrarouge réémis par la planète. Seul le plus optimiste des scénarios (RCP 2.6) répond aux exigences formulées lors de l’Accord de Paris de 2015, qui limite à 2 degrés la hausse de la température par rapport à l’ère préindustrielle. Dans le pire des cas (RCP 8.5), une hausse climatique de 4 degrés est envisagée.

L’évolution actuelle du climat ne semble pas aller dans le bon sens. Le service européen Copernicus sur le changement climatique (C3S) recense, fin 2020, une hausse de 2.2°C en Europe par rapport à la période préindustrielle et de 1.25°C à l’échelle planétaire. Pour Vincent-Henri Peuch, directeur du Service européen de surveillance atmosphérique Copernicus : “Tant que les émissions mondiales nettes ne seront pas réduites à zéro, le CO2 continuera de s’accumuler dans l’atmosphère et de provoquer un nouveau changement climatique.”Pour suivre le RCP 2.6, il faudrait atteindre une presque neutralité carbone d’ici 2060.



Multiplication de phénomènes extrêmes


Mais l'objectif paraît compromis. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) tire la sonnette d'alarme en livrant en janvier son bilan annuel sur l’évolution climatique. Le constat est sans appel : la décennie 2011-2020 est la plus chaude jamais observée. Nul besoin d’attendre pour en voir les effets. La multiplication de phénomènes climatiques et météorologiques dévastateurs alarme. Le 7 février, la chute d’un glacier de l’Himalaya a entraîné la disparition d’une centaine d'Indiens. En vingt ans, ce sont 480000 personnes qui sont mortes d’événements extrêmes de ce type, selon l’ONG GermanWatch.

L'environnement en est déjà transformé. Que ce soit par dilatation thermique ou par la fonte des glaciers, le niveau des mers ne cesse d’augmenter. L'océan s'élèverait de 3,6mm par an et pourrait monter d'un mètre d'ici 2100. La menace de submersion marine pèse sur les côtes, les deltas et les atolls. À l’instar de certaines îles Salomon, des îles du Pacifique risquent de disparaître de cet eustatisme. Chaque année, quelque vingt millions d’individus sont obligés de quitter leur pays. Le réchauffement climatique est fondamentalement empreint d'un caractère sociopolitique : il accroît la précarité et les inégalités. La responsabilité des politiques est engagée alors que leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2 manquent d'ambition.

Avancer à reculons


La culpabilité de l’État français a été tranchée lors du procès de l'Affaire du Siècle. “Carences fautives”, le verdict tombe. Entendre : “inaction climatique”. Il s’accompagne du versement d’un euro symbolique à quatre associations en réparation du préjudice moral dont il est responsable. La Convention citoyenne pour le climat (CCC), mise en place en 2019 par le Conseil économique social et environnemental (CESE), était pourtant un premier pas. 149 propositions ont été annoncées et le président de la République, s’est engagé à en respecter 146. En vue : rénovation énergétique des bâtiments, création de chèques alimentaires ou limitation de l’artificialisation des sols. Mais le bât blesse quand on parle d'application des mesures.


La loi climat et résilience est discutée au Parlement et les mesures initialement prévues par la CCC sont revues à la baisse. “Roi des boulets du climat” ainsi est récompensé Emmanuel Macron par Greenpeace le 8 février. Pour l’association écologiste, il est impossible d’imaginer respecter le seuil de 1.5°C préconisé par l’Accord de Paris avec un tel projet de loi. Alors que la CCC prévoyait l’interdiction de prendre l’avion quand le même trajet en train dure 2h30, le texte se limite aux trajets de 4h. Dans les faits, la limitation des vols intérieurs n’a d'impact que sur trois connexions aériennes. Fin de la location des passoires thermiques en 2028, crime d’écocide remplacé par un délit, pas d’interdiction de publicité pour les énergies fossiles… plusieurs associations déplorent que la CCC ait perdu de sa superbe et que les politiques refroidissent leurs ambitions.


Agir maintenant


Une dynamique est tout de même lancée. Si Greta Thunberg, jeune militante écologiste suédoise, conteste l’efficience du One Planet Summit, conférence internationale sur la biodiversité organisée par la France, il dit quelque chose d’une émulation mondiale. Un multilatéralisme est en marche, chaque État voulant s'ériger en leader de la course du vert. Des engagements sont tenus. La prime exceptionnelle sur les voitures électriques a bien été mise en place en France,l’Union européenne, qui avait statué en 2008 sur une diminution de 20% de ses émissions d’ici 2020, a atteint ses objectifs, bien que de façon dispersée, en 2018.


Poursuivre sur cette lancée est nécessaire, mais adapter ses exigences l’est tout autant. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), il faudrait réduire les émissions de 7%par an au niveau mondial lors des dix prochaines années pour respecter la limite de 1.5°C décidée lors de l’Accord de Paris. L’énergie 100% renouvelable ne doit pas être le défi de demain, mais d'aujourd'hui, de toute urgence. La redéfinition du Diagnostic de performance énergétique en France (DPE) semble aller dans le bon sens. À partir du 1er juillet, il n'indiquera plus seulement la consommation d’énergie des logements mais aussi leurs émissions.

Invité sur France Culture en décembre 2019, Philippe Blanc, directeur de recherches à Mines Paris Tech, proposait une augmentation des fonds consacrés à la recherche sur les énergies renouvelables, peu développée en France. Encore faudrait-il qu’elle s’accompagne de mesures concrètes.


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