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  • ►Zoé Cottin

Ouïghours : l’impossible front de la communauté internationale?


 

Toujours plus contestée sur le plan des droits de l’homme, la Chine bâtit son empire sur la dépendance des autres nations. Assistance sanitaire mondiale en temps de pandémie, partenaire commercial incontournable, la deuxième puissance économique sait se rendre indispensable. Alors que les controverses battent leur plein autour de la cause ouïghoure, la communauté internationale est remise en question dans sa capacité à faire front commun.


L’indignation est sans commune mesure ! Lundi 14 décembre, une enquête menée par Adrian Zenz pour la fondation Victims of Communism éclaire le sort d’un demi-million de Ouïghours exploités dans les champs de coton du Xinjiang. Pourtant, si la répression des Ouïghours est de plus en plus controversée, l’atrophie internationale persiste. Fin décembre, l’Europe conclut un accord commercial de “principe” avec la Chine pour une réciprocité de leurs marchés.



Indignation et sujétion


C’est un traité subversif que l’Union européenne s’apprête à conclure cette année avec la Chine. Bien que régulièrement réprimandé pour sa politique peu respectueuse des droits de l’homme et de l’environnement, Pékin pourrait bientôt observer un renforcement de son accès au marché européen. Présenté comme une opportunité pour Bruxelles, il va, selon le communiqué, «améliorer considérablement l’égalité des conditions de marché ». Alors que le marché européen est très ouvert aux investissements chinois, le marché chinois est lui peu accessible, en raison d’une politique de valorisation de ses entreprises.


En filigrane, l’impossibilité pour l’Europe de se passer des investissements de l’Empire du Milieu. Le traité pose toutefois ses conditions. La Chine doit s’engager à respecter l’accord de Paris. Elle doit aussi mettre fin au travail forcé en ratifiant les conventions de l’Organisation internationale du travail. Mais dans les faits, cet engagement n’est pas soumis à la contrainte. Beaucoup sont sceptiques. Raphaël Glucksmann, eurodéputé français (Socialistes & Démocrates) prononce un discours vibrant le 17 décembre. Reprenant le “J’accuse” zolien, il clame : “J’accuse la communauté internationale de consentir à ce crime par son silence et sa passivité”.



Une répression terrible


Ce crime, c’est celui orchestré en Chine contre la minorité musulmane turcophone des Ouïghours. Il existerait, dans le Xinjiang, province de l’est chinois, une centaine de camps où sont détenus plus d’un million de Ouïghours. Appelés “centres de formation professionnelle”, ils recèlent une toute autre réalité. Stérilisations et travail forcés, lavage de cerveaux à coup de chansons à la gloire de Mao, les témoignages à l’image de celui de Gülbahar Jalilova commencent à poindre. De nombreuses enquêtes sont menées pour géolocaliser ces camps et savoir ce qu’il s’y passe.


Adrian Zenz est la référence dans le domaine. L’anthropologue allemand dénonce une politique génocidaire. La pose de stérilet sans consentement dans les camps est selon lui un élément déterminant. Le contrôle des naissances fait partie intégrante de la définition du génocide par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Par ailleurs, entre vérification constante d’identité dans des checkpoint, mainmise sur les téléphones, caméras dotées de systèmes de reconnaissance faciale, une politique de contrôle des Ouïghours est aussi mise en œuvre en dehors des camps.



Origines de la convulsion chinoise


À l’origine de cette politique répressive, des soulèvements contestataires et des attentats menés par des Ouïghours à Kunming, Pékin et Urumqi en 2013. La Chine justifie ses actions par une volonté de lutter contre le séparatisme et le terrorisme. Considérés comme n’étant pas réellement Chinois, les Ouïghours doivent alors être sinisés et rééduqués. Cette politique s’est accrue depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012 et de la prise de fonction de Chen Quanguo au poste de secrétaire général du Parti communiste au Tibet.


L’ensemble des acteurs de la société chinoise est par ailleurs associé à cet étouffement. De grandes entreprises comme Huawei mettent en œuvre des technologies de contrôle ou exploitent les Ouïghours pour leur propre production. C’est là que le bât blesse, la communauté internationale est en quelque sorte associée au crime en les finançant.



Chambardement des relations diplomatiques


Des réponses sont apportées, toutes plus disparates les unes que les autres. Mais aucune alliance n’est véritablement formée. Les États-Unis blacklistent plusieurs entreprises qui exploitent les Ouïghours en limitant leur accès aux technologies et produits américains. Jean-Yves le Drian, ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, demande, quant à lui, en juillet 2020, l’envoi d’une mission d’observateurs indépendants. Cette requête se solde par un échec : la Chine prétexte d’une ingérence internationale dans sa politique intérieure.


Dans les faits, tout porte à croire que les pays ne peuvent risquer de se mettre à dos Pékin. Emmanuel Macron ne disait-il pas en novembre sur Brut : “Je ne vais pas déclencher la guerre à la Chine sur ce sujet.”? Par temps de crise, personne ne s’y hasarde. Dès la première vague de Covid-19, la Chine a su maintenir une dépendance de la communauté internationale à ses chaînes de production de masques. Seules des coalitions d’États pourront rivaliser face à la puissance chinoise. Mais elles devront trouver des fondements plus solides qu’une simple opposition à la Chine. Perdre le soutien chinois c’est avant tout se priver d’un partenaire commercial de taille qui prête de l’argent et investit. Seul l’avenir nous dira si les droits de l’homme et les idéaux démocratiques sont des fondements suffisants pour faire face au géant économique.

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